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Les photos de Gérard Fourel, l’humanisme en clair-obscur

A propos de Bretagne-Tras-os-Montes de Gérard Fourel, publié chez Melo éditrice, format 13 x 18 cm, 160 pages, 29 €

Qu’est-ce qui fait la patte d’un photographe ? Comment reconnaît-on que le déclic vient d’un seul et même doigt, aujourd’hui que nous sommes saoulés d’images trop propres pour être distinguées ? De Gérard Fourel on peut dire que l’on reconnaît très vite ses photos, comme étant les siennes et de nul autre. Cette évidence entourée de mystère – les deux traits réunis faisant la valeur de l’artiste, en général – il nous semble qu’elle provient de la puissance du noir, de la manière dont il rayonne, vibre, tranche et résonne avec le reste. Tout se joue dans le contraste et surtout la composition, ces deux sciences ici intuitives et bienvenues.

Que voit-on dans son dernier livre Bretagne-Tras-os-Montes ? Des images qui ont pour le photographe valeur d’anthologie et de rétrospective. Elles résument et animent quarante ans de regard, elles pistent l’itinéraire du Fougerais né dans la chaussure où il fut ouvrier et dont l’amour de la photo n’a jamais pu le séparer complètement. Ce sont des images d’Irodouër, où il est né en 1946, et d’usines fougeraises habitées par l’humain, saisissantes et surgies d’un autre siècle, ce sont des visages d’amis intimes et in situ, ce sont des paysages de Bretagne se dénudant sous des ciels immenses habités de fantastiques météores.


Tout l’album est d’une beauté sûre. Il sent son solide artisanat, son sel d’argent dédaigneux des fadeurs numériques. Que du noir et blanc. Fourel, c’est du classique. C’est l’art pointu du clair-obscur découpant des portraits de sage et austère mélancolie, ne serrant pas les visages, corps en pied, dialoguant avec le décor. Un décor qui est ici le contraire du décoratif. Regardez cette femme assise rataninée sur des marches de granit, se confondant avec la pierre tandis que le minéral devient un énigmatique visage.


Ce que l’on aime par dessus tout, outre les poses (pauses ?) d’enfants en mouvement, ce sont les portraits de groupe. Ils sont comme gravés dans la matière et le resteront sans doute dans nos têtes. Voyez cette famille de Montalegre dans le Tras-os-Montes (Portugal), pays d’affinité du photographe, largement représenté dans le livre. La tribu est rangée de face derrière la table dressée telle une nature morte, miches de pains, pichets et verres vides, sous le pauvre halo d’une ampoule électrique. Les visages, magnifiques, se figent un instant devant Gérard Fourel. La composition du tableau frôle la perfection d’un Rembrandt.


Pour compléter cette variation sur la beauté du monde selon Gérard Fourel, ajoutons la belle rigueur du travail d’édition de Bretagne-Tras-os-Montes, avec ses feuillets au grammage généreux, ses pages se limitant à un seul cliché, son rejet des légendes en fin de chapitre et son format modeste et donc appropriable, à l’inverse des grands albums à la dégustation glaçante et distanciée.


Georges Guitton

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