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Le Jardin de la Laiterie
Un film de Marc Weymuller
2023
86 mn
Production : Le Tempestaire / Les Petites Caméras
Je ne suis pas né pour gagner. Je suis né pour être vrai.
Je ne suis pas né pour réussir. Je suis né pour vivre
en faisant honneur à la lumière qui brille en moi.
Abraham Lincoln
Nichée au pied de la ville bretonne de Fougères, en plein quartier historique, la laiterie Nazart s'est développée pendant plus d'un demi-siècle dans un îlot de verdure. C'était une entreprise familiale où la qualité des relations humaines et le plaisir de travailler ensemble ont toujours primé sur l'intérêt personnel des patrons. Un modèle malheureusement condamné à disparaître. Sa liquidation judiciaire a été prononcée en 2005.
Bien des années se sont écoulées depuis et pourtant, chaque mercredi, d'anciens salariés de la laiterie continuent à se retrouver pour entretenir le jardin potager qui alimentait jadis la cantine de leur entreprise. Les liens qui les unissent se désagrègent moins vite que les bâtiments. Les souvenirs demeurent. Chacun se souvient de ce qui s’est passé. Ensemble, ils recomposent, fragment par fragment, le récit de la disparition de leur entreprise, précipitée par des intérêts financiers occultes.
Portés par une mémoire commune qui résiste, ils se retrouvent, saison après saison, et se réconfortent dans cet endroit ouvert sur le miracle de la vie où chacun peut exprimer son besoin profond d'humanité, en marge du monde qui court. La laiterie a fermé, mais l'aventure humaine continue. On n’efface pas une vie de travail comme cela.
Images et son
Xavier Arpino - Marc Weymuller
Photographies
Gérard Fourel - Archives de la famille Nazart
Musique
Compositions originales de Philippe Saucourt et Héloïse Lecomte
“Clair de Lune” de Claude Debussy Interprétation et arrangements :Maurice Blanchy (Accordéon) - Bruno Fleutelot (Vibraphone) - Héloïse Lecomte (Violoncelle) - Nicolas Marguet (Cor) - Philippe Saucourt (Banjo, Ukulélé, Guitare)
“La Encantadora” de Ignacio Cervantes / “Habanera Tú” de Eduardo Sánchez de Fuentes / “Hava Nagila”, traditionnel hassidique
Interprétation : François Fortanier (Clarinette et Saxophone)
Production
Les Petites Caméras / Le Tempestaire
Absinte Abramovici - Benoit Keller - Laure Saint Hillier - Marc Weymuller
Réalisation, montage, étalonnage et Mixage
Marc Weymuller
Teaser
Rencontres Cinéma de Gindou 2023 (France)
Une entreprise familiale, emblématique d’une époque où la vie et le travail étaient plus mélangés.
Créée dans les années trente, la laiterie Nazart a connu un développement très rapide durant les trente glorieuses. Jusqu’à cent cinquante personnes y ont travaillé quotidiennement. Durant plus de cinquante ans, ce fut une ruche bouillonnante où un fleuve blanc de lait, en provenance des fermes du pays de Fougères s'écoulait chaque jour pour y être transformé en fromages, en yaourts, en caséines et caséinates. Chaque jour, dans les ruelles étroites du quartier, c’était le même chapelet ininterrompu de camions chargés de bidons qui se faufilaient pour accéder à la laiterie.

C'était une entreprise familiale, emblématique d’une époque où la vie et le travail étaient plus mélangés. Elle était dirigée par la famille Nazart, dans un esprit humaniste où la défense des intérêts de l'entreprise et des salariés passait toujours avant ceux des dirigeants qui cherchaient avant tout à entretenir un outil de travail qu'ils pensaient nécessaire à la vie de la collectivité.
Dans les années soixante et soixante-dix, l’augmentation effrénée des volumes de lait obligea l’entreprise à créer et à fabriquer constamment de nouveaux produits sans possibilité de s’agrandir, compte tenu de sa situation enclavée dans la ville basse. Elle fut ensuite confrontée à l’apparition des quotas laitiers puis à la libéralisation des prix, aux pressions sur les marchés exercées par la grande distribution, à la compétition débridée, aux guerres d’influence et de regroupement des laiteries. Dans ce contexte pourtant si conflictuel, elle résistait pacifiquement, affichant toujours son indépendance, défendant autant qu’elle le pouvait les petits producteurs.

Une disparition précipitée
Sa disparition fut cyniquement orchestrée par les banques, en accord avec quelques entités syndicales influentes. L’objectif était de faire pression sur les producteurs indépendants de la région, calmer leurs ambitions et permettre au leader international de la filière laitière d’en tirer tous les bénéfices. Privée du jour au lendemain de trésorerie, la Laiterie Nazart fut contrainte six mois plus tard à déposer son bilan. Sa liquidation judiciaire fut prononcée en 2005

Comme si le temps s’était brusquement arrêté
C’était il y a plus de quinze ans. Et pourtant, aujourd’hui, si les bâtiments de la laiterie ont été vidés de leurs équipements industriels et que plus aucune activité ne s'y déroule, le décor est toujours là. Le fil du temps semble seulement s’être brusquement interrompu. La grande demeure qui abritait jadis les bureaux et l’habitation familiale des Nazart donne l’impression que tout vient de s’arrêter. Tout est encore en place, les dossiers restent suspendus dans les armoires métalliques, les blouses blanches pendent aux porte-manteaux. Dans les chambres, à l’étage, les lits sont encore faits, quelques jouets d’enfants traînent par terre et des portraits d’ancêtres accrochés aux murs, veillent silencieusement sur le calme de la maisonnée. Tout est là, le mobilier comme les objets. Il manque seulement les gens : la famille Nazart et le personnel de la laiterie.

Un jardin refuge
C’est Hélène Nazart qui fut, aux côtés de son frère Jean, la dernière dirigeante de la laiterie. N'ayant pas eu d'enfants, elle y consacra toute sa vie. Lorsque la liquidation fut prononcée, elle refusa de partir. Il était inimaginable pour elle d'envisager un avenir ailleurs. Pour elle, partir, c’était mourir. Alors, elle est restée là, tentant de se reconstruire, dans le secret de sa maison qui n’est séparée des anciens ateliers de la laiterie que par un magnifique terrain arboré qui abrite un foisonnant jardin, à la fois verger et potager. Il alimentait jadis la famille Nazart et la cantine de la laiterie.
Aujourd'hui encore, on y trouve une grande variété de légumes, de fruitiers, de fleurs et de plantes d’ornementation. Avec l’aide d’un ami apiculteur, Hélène Nazart y entretient même quelques ruches. C’est ce jardin qui lui a redonné la force de se redresser, de se remettre en chemin. Saison après saison, il lui a rappelé la puissance persistante de la nature, il l'a rappelée à la vie, loin de la sauvagerie et de la brutalité du monde économique.

Une aventure humaine qui se prolonge
Aujourd’hui, c’est Olivier, un ancien compagnon d'Emmaüs, qui s'occupe de son entretien. Homme libre et marginal, c’est un passionné d’horticulture. C’est aussi un rescapé des combats de la vie qui a trouvé en ce jardin un refuge dont il a fait un royaume.

Chaque mercredi, d’anciens salariés de la laiterie viennent lui prêter main forte. Ils le font depuis la fermeture de la laiterie, c'est-à-dire depuis plus de quinze ans. Ensemble, ils plantent les salades, arrachent les pommes de terre ou récoltent les haricots. Ils se retrouvent aussi au jardin chaque fois que c’est nécessaire pour y effectuer les plus gros travaux, comme la taille des fruitiers ou la récolte des pommes. Ils sont heureux de travailler à nouveau ensemble. Après le labeur, ils se regroupent autour de la table qu’Hélène Nazart a dressée devant chez elle, avec le jardin comme seul horizon.
Un acte de résistance
Dans leurs conversations, le passé et le présent se mélangent très vite. C’est une vie de travail qu'ils ont partagée ensemble et cette vie-là perdure. Pour eux, le jardin est avant tout un lieu de retrouvailles où chacun peut se sentir vivant, parmi les autres. C’est aussi un refuge, un endroit plein de bienveillance où chacun peut se ressourcer, en marge du monde et du temps qui court.
Leur volonté de continuer à se retrouver, tant d’années après la fermeture de leur entreprise, est un acte de résistance fort. A la puissance dévastatrice de la logique économique et financière où le plus fort et le plus âpre au gain gagne toujours, au détriment de la nature, du plus humain et du plus généreux, ils opposent une humanité belle et invincible, connectée au vivant.

Itinéraire du film
Ce film est donc avant tout une invitation à partir au fil du temps à la découverte de ce jardin et de celles et ceux qui l’animent. Il se déroule dans le huis clos de cet espace, à proximité des bâtiments de l’ancienne laiterie et de la maison d’Hélène Nazart. Il suit l’évolution des saisons et leurs effets sur la nature, accompagne les activités - plantations, taille, récolte, repas, moments de repos et de contemplation - et va à la rencontre de celles et ceux qui y travaillent.
Tous se souviennent de ce qui s’est passé. Les bâtiments de la laiterie ont été vidés, certes, mais eux ont travaillé là toute leur vie et leurs souvenirs ne disparaitront pas de si tôt. On peut mettre fin à une entreprise et détruire un outil de travail. Mais on n’efface pas une vie de travail comme cela. Une mémoire collective s'est constituée entre eux et perdure. Les histoires des uns s’ajoutent à celles des autres, elles se complètent et recomposent peu à peu la trame de l'histoire de l’entreprise et de sa disparition.

Le jardin est là pour apaiser le tourment provoqué par leurs souvenirs. Ils y reprennent leur souffle et retrouvent la force d’affronter la réalité d’un monde dans lequel ils savent qu’ils sont contraints de continuer à vivre, en attendant que quelque chose change un jour. Et c’est en se reliant au présent du jardin, en renouvelant le lien avec les autres anciens salariés, qu'ils parviennent à reprendre le fil de leur récit.
A une époque qui ne cesse de révéler l'échec d’un système qui conduit toujours plus à l’épuisement des ressources naturelles et humaines, ils n'ont, comme nous toutes et tous, pas d’autre issue que de s’engager dans la recherche d'un nouveau contrat avec la nature et avec les autres, dans une harmonie retrouvée avec le vivant.
